Bocchi the Rock! : Une production au-delà des limites de la créativité
LKR | Publié le |
Bocchi the Rock! est un des anime phares de cet automne 2022. Cependant, une grande partie des spectateurs passent à côté de l’œuvre car son attrait paraît avoir du mal à toucher tout le monde au premier abord. Il n’est pas si aisé de s’imposer aux yeux du grand public alors que l’on traite d’une jeune fille qui intègre un groupe de rock et doit lutter contre sa phobie sociale pour s’intégrer et performer. Pourtant, sa qualité intrinsèque en a fait une série bien plus populaire que ce que l’on aurait pu attendre.
Pour être plus précis, Bocchi the Rock! s’approche de K-ON! par ses thèmes : une protagoniste lycéenne dans un club de musique qui passe le plus clair de son temps à profiter avec ses amis et à discuter avec une touche d’humour. Ces œuvres appartiennent à un sous-genre plus large du nom de Iyashikei qui caractérise les manga/anime du genre tranche de vie qui représentent des personnages vivant des vies paisibles dans des environnements apaisants. La plupart du temps pour ce genre d’œuvres à caractère humoristique, le matériel de base est un format de manga spécial composé d’actions de 4 cases chacune, appelé « Yonkoma », s’apparentant au comic strip de la BD américaine. L’enjeu principal lorsque l’on adapte ce type de matériel, c’est la symbiose nécessaire entre la réalisation, le storyboard et encore plus important, le script.
Au départ du projet Bocchi the Rock!, il y a un homme : Shōta Umehara. Fraîchement nommé AniP, son premier réflexe est d’appeler son ami Keiichirō Saitō et de lui proposer le rôle crucial de réalisateur sur la série. C’est la toute première fois que Saitō se voit confier la réalisation d’une série TV : avant ça, il avait déjà emmagasiné de l’expérience en tant que réalisateur, mais seulement sur des épisodes isolés, en particulier sous la tutelle du renommé Shingo Natsume. Ce dernier lui avait fait confiance et lui avait permis de réaliser 2 épisodes sur les ambitieux Boogiepop wa Warawanai et Sonny Boy. Sur Bocchi the Rock!, il est épaulé à la réalisation par un jeune assistant réalisateur du nom de Yūsuke Yamamoto, surnommé « nara ». Donner les clés à de jeunes réalisateurs créatifs était une priorité pour rendre cette série unique et lui donner une véritable identité.
Et cette volonté de la part d’Umehara de toujours chercher à dénicher des talents avec peu d’expérience dans l’industrie mais un véritable potentiel se révéla une nouvelle fois payante. Et cette fois-ci encore plus que les autres : Bocchi the Rock! est sans conteste la production la plus aboutie du producteur sur tous les plans. Après sa pause de 5 ans et sa remise en question, Umehara avait fait un retour tonitruant en obtenant le rôle d’AniP sur Wonder Egg Priority, My Dress up Darling et Bocchi the Rock!. Trois œuvres ambitieuses mais dont la dernière dépasse ses prédécesseurs en termes de créativité.
Le reste du staff a aussi joué un rôle essentiel dans le bon déroulé de la production. À commencer par le réalisateur Saitō, qui a rapidement apprécié le personnage de Bocchi. Il a lui-même admis qu’il se sentait proche de la protagoniste de par sa personnalité introvertie et sa difficulté avec la communication interpersonnelle. D’autre part, on doit la parfaite retranscription du matériel source à une harmonie parfaite entre les membres du staff. La combinaison des talents de Erika Yoshida au script et de Yūsuke Kawakami au storyboard ont notamment rendu les scènes de concert magistrales. En particulier, la séquence de concert de l’épisode 5 est animée par le trio très prometteur composé de Myoun, Yūki Itō et Kerorira.
Ce dernier n’est d’ailleurs pas un animateur quelconque : Kerorira accompagne Umehara sur toutes ses productions et obtient constamment, depuis Wonder Egg Priority, le rôle de Superviseur de l’Animation (AD). Sur Bocchi the Rock!, en plus d’être AD, il est aussi nommé pour la première fois chara-designer. Plus encore, c’est même lui qui a poussé Umehara à accepter la proposition d’adaptation de Bocchi the Rock!, étant un grand fan du manga. Sur les 5 premiers épisodes, Kerorira a animé environ 250 plans soit l’équivalent d’un épisode entier. Au final, Umehara a confié que son fidèle superviseur de l’animation avait participé à un nombre de plans compris entre 500 et 600 sur toute la série, en plus bien entendu de continuer à faire ses tâches d’AD, rôle qu’il a par ailleurs exercé seul sur plus d’un épisode et demi. Si l’on y ajoute l’aide apportée sur les layouts des animateurs, son implication au sein de la production de Bocchi the Rock! est absolument massive et il est clairement l’un des piliers du projet.
Enfin, les méthodes d’animation employées pour retranscrire parfaitement le travail de Kawakami et Yoshida sont assez novatrices et montrent l’ingéniosité de ce jeune staff talentueux. D’après une interview du magazine Purizm, la production des séquences de concert est un processus en plusieurs étapes : tout d’abord, de vrais musiciens jouent la scène en adoptant le comportement du personnage qu’ils incarnent. Ensuite la scène est capturée en trois dimensions pour pouvoir être visionnée sous tous les angles à l’aide de caméras virtuelles. Enfin, les animateurs s’en servent comme modèle pour redessiner les plans qui leur sont confiés en suivant le storyboard. Toutes ces étapes sont en réalité distinctes et ne se suivent pas nécessairement de manière séquentielle, mais la finalité reste toujours la même : le produit rendu est dessiné à la main. Il est soit réalisé sans référence, soit inspiré des modèles mis à leur disposition, au bon vouloir de l’artiste.
Ainsi, Bocchi the Rock! n’a pas une histoire extraordinaire et les blagues très fréquentes pourraient devenir rapidement lassantes voire pire, ne pas fonctionner. Mais au contraire, tout fonctionne à merveille et cela grâce à l’énergie incroyable que dégage la production mais aussi, et surtout, grâce à ses équipes talentueuses qui ont œuvré à produire une série fidèle au matériel d’origine et plaisante pour les spectateurs. Un sentiment de liberté complètement fou se dégage de Bocchi the Rock!, en particulier du côté des animateurs qui ont eu la possibilité de faire marcher à plein régime leur créativité. Tous ces éléments rendent la série unique en son genre et font de Bocchi the Rock! un des meilleurs anime de 2022.
3 commentaires
Très bon article qui illustre très bien le génie de bocchi the rock! Continuez comme ça avec cette documentation de qualité!
Super article, continuez comme cela. Personnellement, j’aimerais connaitre tous les rôles et leur fonctions dans l’industrie de l’animation japonnaise (enfin ça ne concerne que moi)
Ça arrive très prochainement !