Review : Black Clover: Sword of the Wizard King

Le 30 mars 2021, un film original Black Clover a été annoncé avec la fin de la série : Sword of the Wizard King, ou L’Épée de l’Empereur Mage en français.

Si vous suivez le cours actuel de l’industrie de la japanimation, vous n’êtes pas sans savoir que la production de films pour adapter certains arcs de manga shōnen populaires est en plein essor. Ces productions voient parfois leur sortie précipitée par les comités de production et les distributeurs afin de tirer profit des tendances. Pour Black Clover, l’annonce était plutôt vue comme une aubaine puisque l’on pouvait difficilement imaginer des conditions aussi déplorables que celles de la série. Il s’agissait donc d’une possibilité pour la licence de briller d’une manière plus consistante que les très bons épisodes dispersés dans la série.

Préproduction

Malgré les quelques avantages intrinsèques offerts par la production de ce format film pour lequel les fans ont attendu plus de deux ans, la production du film Black Clover n’a pas été un long fleuve tranquille. On apprend grâce à Ayataka Tanemura que la préproduction du film a commencé peu avant la sortie de l’épisode 170, ce qui fait donc plus de deux ans de production, mais ne vous méprenez pas.

Tout d’abord, il a été rapporté officiellement que la production a été terminée bien avant sa diffusion, possiblement pour permettre au nouvel acquéreur Netflix de réaliser les doublages dans plusieurs langues, en plus de la communication officielle sur le compte Twitter de la série. Mais surtout, on peut également voir sur les couvertures des storyboards postés par le compte officiel que les premiers storyboards ont été terminés en mi-2022. Il est donc fort probable que le script original du film a pris plus de temps que prévu pendant la préproduction, celui-ci demandant l’approbation du mangaka Yūki Tabata et des éditeurs pour le volume 23.5 du manga et les light novels (prévus en même temps que le film) qui adaptent la même histoire. Ayataka Tanemura était également présent en tant qu’assistant réalisateur sur la série Fuuto Pi sortie en 2022, et y a réalisé plusieurs épisodes.

En bref, si on exclut le temps supposé qui a été consacré à l’écriture du script, on peut deviner que Black Clover : L’Épée de l’Empereur Mage n’a pas eu un temps de production hors du commun, mais plutôt satisfaisant pour un film d’animation récent. Nous verrons également que la production a connu son lot de difficultés, mais connaissant déjà ce que pouvait accomplir le staff dans les mauvaises conditions de la série, le calendrier était alors plus que suffisant pour permettre au staff de briller.

J’ai décidé de diviser mon analyse de la production du film en 5 étapes, et je terminerai avec mes attentes pour une potentielle suite de la série.

Production

Le comité de production ne contient pas vraiment de surprises si ce n’est l’ajout de Shueisha, avex pictures et Bandai Namco : trois entreprises déjà présentes dans la production de la série, mais créditées dans le comité pour la première fois, aux côtés de TV Tokyo et Pierrot.

Comme mentionné précédemment, ce n’est pas Crunchyroll mais Netflix qui récupère les droits de diffusion de ce film. S’en découle une diffusion en streaming le même jour que pour les salles de cinéma japonaises, une communication accrue sur les réseaux sociaux accompagnée de « behind the scenes » et d’un making of disponible sur YouTube. Un point qui pouvait troubler les fans d’animation qui suivaient la diffusion de la série est le fait que Netflix a formellement interdit aux animateurs de publier leurs matériels de production pour le film eux-mêmes sur les réseaux sociaux, pratique pourtant très populaire. Cependant, au vu du partage d’informations provenant des comptes officiels, il s’agit au final d’un mal pour un bien.

Du côté de Pierrot, on peut remarquer une promotion de Tatsuya Hayashi, auparavant assistant de production sur la série, qui devient bureau de production aux côtés de Masano Yagi, qui remplissait déjà ce rôle seul depuis l’épisode 51. Le rôle du bureau de production implique beaucoup plus de responsabilités : il agit en tant que « chef » des assistants de production, gère également le calendrier et la répartition du budget. Il peut également aider les assistants de production à trouver du staff pour des rôles à haute responsabilité comme les réalisateurs ou les ADs, en particulier pour des parties importantes.

Cette promotion aurait peu de sens si elle n’était pas accompagnée d’une nouvelle vague d’assistants de production pour le film, dont quelques-uns qui semblent être issus d’un nouveau recrutement par le studio Pierrot.

Si les rôles cités ci-dessus peuvent être méconnus du grand public, le staff du film doit énormément à ces derniers, tout particulièrement au bureau de production du film : Masano Yagi et Tatsuya Hayashi. Ceux-ci ont joué une grande part dans le recrutement du staff pour toutes les parties du film avec les différents assistants de production, et beaucoup d’animateurs se sont sentis redevables envers eux, grâce à leur patience et leur dévouement.

Réalisation

Comme pour la série depuis l’épisode 153, on retrouve à la tête du film le réalisateur Ayataka Tanemura. Cependant, Tatsuya Yoshihara n’occupe cette fois pas la place de réalisateur en chef, il nous explique d’ailleurs qu’il aurait aimé réaliser le film si l’offre était arrivée à un moment plus propice. Il nous honore tout de même de sa présence en storyboardant et en assistant à la réalisation d’une partie du climax du film.

Un point important à souligner est le fait que le storyboard du film a été réalisé par trois personnes, parmi les storyboarders les plus appréciés du staff : Ayataka Tanemura, Isuta et Tatsuya Yoshihara. Les deux premiers ont été extrêmement prolifiques puisqu’ils représentent à eux seuls près d’une heure et trente minutes du film.

Liste du staff principal par partie

Tatsuya Yoshihara ne storyboarde lui que le climax du film : le combat d’Asta contre Conrad de la partie F. Une décision logique qui témoigne de la confiance absolue du staff après son travail sur les épisodes importants de la série, et particulièrement du réalisateur Tanemura qui lui doit beaucoup.

Il était assez rare de voir Ayataka Tanemura storyboarder pour des épisodes en dehors de son studio, Mouse, sur la série. Ses contributions ambitieuses étaient toujours bienvenues, mais laissaient le sentiment que le nombre d’animateurs d’action chez Mouse était trop restreint pour exploiter son potentiel à 100%. Sa présence sur autant de parties nous a toutefois permis de voir son storyboard animé par plusieurs excellents animateurs d’action présents sur le film tout comme l’était l’excellent épisode 170.

Quant à Isuta, sa contribution sur le film était très attendue après sa réalisation et son storyboard de l’épisode 151 ou encore de la première partie de l’épisode 118.

Design et supervision de l’animation

Du côté des designs, la plupart des personnages principaux ont eu le droit à une refonte de leur design par la Character Designer : Itsuko Takeda. Les nouveaux designs sont plus arrondis, expressifs, et se rapprochent davantage des designs de Yūki Tabata.

Corrections de la superviseure de l’animation en chef Itsuko Takeda
Corrections de la superviseure de l’animation en chef Itsuko Takeda

Itsuko Takeda occupait également le rôle de superviseure de l’animation en chef accompagnée des deux autres designers de la série : le Prop Designer Kōsei Takahashi du studio Mouse et la Sub Character Designer Kumiko Tokunaga qui occupe étonnamment ce poste pour la première fois. Quant à Kōsei Takahashi, la nouvelle a été prise à cœur joie, le superviseur étant très talentueux mais souvent restreint aux épisodes de son studio malgré son rôle de main staff.

Corrections du superviseur de l’animation en chef Kosei Takahashi
Corrections du superviseur de l’animation en chef Kōsei Takahashi

On peut supposer qu’il s’agit des tentatives des producteurs de gagner la confiance des spectateurs avec les nouveaux designs de Takeda en les gardant aussi consistants que possible grâce aux trois designers qui arborent un style similaire.

Toutefois, cette approche nous fait regretter l’absence de Shunji Akasaka et de Takaya Sunagawa sur ce poste. Ces deux animateurs étaient particulièrement appréciés par les fans pour leur respect de l’art original du mangaka. Cependant, ils restent crédités en tant que superviseurs de l’animation pour deux parties du film. Une présence appréciée, particulièrement sur le climax, bien que leurs dessins se voient parfois corrigés par les superviseurs de l’animation en chef cités plus haut.

Corrections du superviseur de l’animation Shunji Akasaka (et peut-être Takaya Sunagawa ?)
Corrections du superviseur de l’animation Shunji Akasaka (et peut-être Takaya Sunagawa ?)

Animation

L’animation est sans doute le point le plus surprenant dans la production de ce film. Si la série a déjà eu des hauts impressionnants, le film a réussi à faire de même pendant près de deux heures avec une consistance jamais vue pour Black Clover. Beaucoup d’animateurs ont pu soumettre des scènes animées en pas de 1 (c’est-à-dire un cut où chaque frame est un nouveau dessin) dont l’ambition n’a pas été altérée, ce qui a rarement été le cas pendant la série.

Certains superviseurs de l’animation ont même ajouté des intervalles supplémentaires lors de corrections afin de rendre le rendu de certaines séquences plus fluide qu’elles ne l’étaient, probablement sur la demande des réalisateurs de ces parties. Pour rappel, la tendance dans l’industrie est plutôt d’économiser le nombre de frames. Dans une interview, le réalisateur Ayataka Tanemura mentionne d’ailleurs que le film Black Clover a demandé plus de 120 000 dessins au lieu de 50 000 à 60 000 en moyenne pour un film d’animation.

Nous avions également l’habitude de voir les réalisateurs corriger, voire réanimer complètement des séquences, allant parfois jusqu’à plusieurs minutes d’animation pour certains gros épisodes de la série. Sur le film, l’implication des réalisateurs sur l’animation clé semble plus modérée grâce au nombre de talents présents, au peu de sous-traitance de l’animation clé, mais surtout grâce à l’apparition de superviseurs dédiés pour cette tâche. On peut notamment mentionner le superviseur de l’animation riooo (bien que non crédité pour ce rôle) et des superviseurs des effets Kazunori Ozawa et Tōru Yoshida ainsi qu’Hiroaki Nakamichi en assistant.

Il est plutôt rare de voir un rôle aussi important confié à quelqu’un en dehors du Japon, mais riooo a fait ses preuves pendant la série et a servi de pierre angulaire pour les moments d’action des derniers épisodes. Il a animé ou corrigé plus de deux minutes du film, dont cette séquence d’action avec Asta et Yuno contre Jester, marquant le début de la partie E d’Isuta. riooo utilise ici des formes plus libres et flottantes, rappelant notamment le travail de l’animateur Keiichirō Watanabe.

Animation : riooo (Sakugabooru | Twitter) | Sakugabooru

Bien sûr, toute cette ambition dans l’animation ainsi que les nombreuses retakes demandées par les réalisateurs coexistent rarement sans aucun sacrifice. Dans le cas de L’Épée de l’Empereur Mage, on peut supposer que c’est ce qui a retardé la production et a nécessité le report de la date de sortie du 31 mars au 16 juin 2023.

En plus des animateurs de la série qui font un retour avec un calendrier plus agréable, la liste des animateurs sur le film contient de nombreuses surprises telles que Shū Sugita, Hironori Tanaka ou encore Takeshi Maenami qui a animé ma séquence préférée du film.

Animation : Takeshi Maenami (Sakugabooru | Twitter) | Sakugabooru

Quelques légendes du studio Pierrot sont également présentes sur une ligne de crédits dédiée, bien que leur travail soit encore inconnu pour la plupart : Tokuyuki Matsutake, Tsuguyuki Kubo, Hirotsugu Kawasaki, Yoshiyuki Kishi et Masashi Kudō qui a animé une partie sublime de character acting de Conrad, supervisé par un ami de longue date : Shunji Akasaka.

On retrouve également quelques talents des studios reconnus Asahi Production ou encore Studio Kai, par lequel Ayataka Tanemura est passé cette année pour coréaliser Fuuto Pi et qui a tenu à l’aider en retour.

Cela dit, la liste des animateurs contient également des personnes n’ayant jamais travaillé dans l’industrie de l’animation japonaise, et qui ont débuté tant bien que mal. Bien que ce fût chose commune pendant la série, on peut supposer que le film a eu quelques difficultés pour assigner différentes séquences dont certaines qui ont dû être réalisées à la dernière minute.

Il faut également mentionner que l’état d’esprit et l’ambition de la production ont amené beaucoup d’animateurs talentueux à ne rendre que des séquences « LO only », c’est-à-dire des séquences pour lesquelles d’autres animateurs ont dû s’occuper de la seconde animation clé. Non seulement la deadline pouvait être très proche, mais ces séquences pouvaient parfois être assez brouillonnes, elles nécessitent donc un travail acharné par les superviseurs de l’animation.

En bref, malgré des conditions meilleures que celles de la série, beaucoup d’animateurs ont dû travailler d’arrache-pied pour rendre leur travail à temps, et la production a eu son lot d’inattendus ainsi que de situations d’urgence. Gardez à l’esprit que malgré un meilleur calendrier, une production se déroule rarement sans accrocs et que la qualité d’une œuvre ne révèle pas toujours les conditions réelles de travail derrière.

Compositing

Le film commence directement avec une séquence de 3D pleine d’effets spéciaux qui vient certainement tout droit du studio STEREOTYPE, crédité pour « Special Scene Design ». Le studio, et plus particulièrement le réalisateur Masashi Itō, est connu pour son travail sur les openings 12 ou 13 incorporant beaucoup d’éléments 3D avec un très bon travail de compositing qui rend leur intégration quasi parfaite. STEREOTYPE n’étant qu’un studio modeste avec peu de main-d’œuvre, il paraissait inconcevable pour eux de réaliser le compositing d’une partie entière du film malgré le talent de leurs équipes. Cela dit, ce type de séquence leur sied parfaitement et permet de démarrer le film d’une manière plutôt impressionnante.

Séquence d’ouverture du film

Le compositing du film compte deux directeurs de la photographie en plus de Tomoyuki Kunii du studio Hibari, crédité en tant que directeur en chef de la photographie du film et directeur de la photographie sur la série. Ceux-ci sont Rieko Koike du studio Assez Finaud Fabric. et Hideki Imaizumi du studio Typhoon Graphics, nouveau sur la licence qui était présent sur Twin Star Exorcists.

Dès l’introduction, on peut remarquer le temps supplémentaire que bénéficie le film par rapport à la série. Ce compositing chargé change aussi drastiquement de l’approche de Tatsuya Yoshihara sur la série, où l’utilisation de flou ou de dégradés sur les cels se faisait rare, et ce notamment sur les effets.

À l’image de la série, le film comporte des parties où l’esthétique est assez controversée comme la partie A, notamment due à la barrière magique violette de Jester et à l’utilisation de décors en 3D qui ne simplifie pas la tâche du compositing. Mais le film regorge aussi de séquences avec un très bon rendu qui a été plus que remarqué par les fans. Bien sûr, cela est aussi dû aux color designs et aux décors de très bonne facture qui sont pour la plupart bien plus détaillés que pour la série.

C’est beau

Le futur de Black Clover

Le film a redonné confiance aux fans quant aux compétences du staff sans qu’il soit assujetti à un calendrier aussi restreint que celui de la série, et a permis à la licence de briller. Après avoir occupé le Top 1 Netflix pendant plusieurs jours (voire semaines pour certains pays !) dont le Japon, fait plutôt surprenant lorsqu’on sait que l’adoration de Black Clover est plutôt du côté de l’Occident, les producteurs ont sans aucun doute reconnu le soutien des fans et qu’une suite est attendue et inévitable.

Nous sommes nombreux à nous questionner sur la suite de Black Clover, surtout après un film original. Il reste encore beaucoup de chapitres à adapter, et de nombreux doutes subsistent quant au format ou au nombre d’épisodes qui seront choisis si une nouvelle saison voyait le jour.

Naturellement, une suite sous le format saisonnier est attendue par les fans, mais il est difficile de prévoir les attentes du comité de production à ce niveau. Bien qu’Ayataka Tanemura soit attendu de nouveau pour réaliser une potentielle saison 2, nous ne savons pas si Tatsuya Yoshihara serait prêt à prendre ce poste ou simplement assister Tanemura, l’ancien réalisateur ayant annoncé qu’il aurait aimé réaliser le film si son calendrier le lui permettait. Je n’attends pas de changement au niveau du character design, le film ayant confirmé l’envie du staff de conserver le style d’Itsuko Takeda et les deux autres designers du staff, très proches de son style. Cependant, il se pourrait qu’une nouvelle simplification des designs lui soit demandée.

Les lecteurs du manga savent que le contenu qui reste à adapter comporte beaucoup de chapitres techniques à animer, et on ne peut qu’espérer qu’une suite aura le temps de production dont elle a réellement besoin.

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