Interview : Vercreek

Vercreek est un animateur qui n’a pas manqué de faire parler de lui. Grâce à son travail sur les épisodes 13 et 17 de Jujutsu Kaisen ou encore l’Opening 2 d’Ousama Ranking, il s’est déjà illustré en tant qu’animateur hors pair. Mais récemment, il a fait ses débuts dans la réalisation grâce à l’ending spécial de KAGUYA-SAMA: LOVE IS WAR -ULTRA ROMANTIC- qu’il a en plus storyboardé et dont il a animé les layouts intégralement. Il a accepté de répondre à quelques questions sur son parcours, mais aussi cette dernière expérience.

  • Peux-tu te présenter ?

Salut ! Je m’appelle Vercreek, je suis un animateur philippin et je travaille en tant qu’animateur freelance, notamment sur des productions japonaises. Je suis principalement autodidacte : je demande des conseils à des amis, regarde des vidéos sur YouTube et griffonne quelques dessins.

  • Avant d’aborder le point le plus important de ta carrière, comment t’es-tu lancé dans l’industrie de l’animation ?

Au départ, je n’étais qu’un animateur qui aimait participer à des duels sur Hyun’s Dojo. Un ami m’a fait découvrir les animations de stickfight comme Oxob, et je me suis intéressé à des animateurs comme Andoru, Resh et Gildedguy. Pendant longtemps, je défiais surtout d’autres animateurs en duel en disant « Affronte moi ! » et je me faisais battre. En y repensant, c’était plutôt embarrassant, j’aurais préféré ne pas avoir fait ça. Après environ un an, je m’ennuyais et j’ai voulu concevoir mes propres animations. J’ai pu rejoindre une communauté d’animateurs sur un serveur de Yen_bm et y ai passé du temps à m’entraîner, partager mes animations, donner mais également recevoir des conseils. Mais en même temps, j’éprouvais du mal à réfléchir sur la carrière que je voulais mener dans le futur. Après avoir visionné le documentaire sur Little Witch Academia et lu les interviews de Bahi JD, voir un cadre de travail avec un rythme aussi trépidant mais paisible à la fois et à quel point ils étaient passionnés par leur travail m’a fait réaliser à quel point c’était ça qu’il me fallait. J’ai concentré mes études sur l’apprentissage des méthodes employées par les animateurs pour leurs genga et réaliser des animations de ce type. J’ai également questionné beaucoup d’animateurs sur le fonctionnement des notations et des timesheets. Après un moment passé à poster mon travail en ligne, j’ai été contacté par un assistant de production et j’ai décroché mon premier poste en tant qu’animateur.

  • Parlons de l’ending de Kaguya-sama. Comment as-tu été contacté ?

J’ai été recommandé sur la production de Kaguya par un ami. Au départ, je n’étais supposé participer que sur les épisodes de la série principale, mais j’ai été transféré sur l’ending spécial en tant qu’animateur à la place. Quand le sujet a été abordé avec mon assistant de production, il m’a rapporté que ce serait des scènes de danse. Habituellement, les scènes de danse dans les anime nécessitent des guides en 3D ou en live-action pour le mouvement des personnages, j’ai donc demandé si je pouvais plutôt tout faire à la main. Après une petite discussion, on m’a demandé si je ne voulais pas plutôt réaliser l’ending complètement.

Ending spécial de KAGUYA-SAMA: LOVE IS WAR -ULTRA ROMANTIC- | Réalisation/Storyboard/Layout : Vercreek | Sakugabooru
  • À ce moment, tu n’avais pas d’expérience en réalisation. Comment t’y es-tu pris ? Avais-tu un quelconque professeur ?

Je ne savais pas vraiment ce que je faisais. J’ai surtout écouté la musique encore et encore, et j’essayais d’imaginer un film dans ma tête quand je rêvassais. Après la phase de storyboard, il m’arrivait de refaire des modifications sur certaines parties pour qu’elles soient bien mieux rythmées. C’était une méthode très triviale qui reposait principalement sur mon intuition, mais c’était le mieux que je puisse faire à ce moment-là. J’aurais aimé avoir plus de connaissances sur la mise en scène, mais cela m’a aidé à penser davantage à la réalisation des scènes, donc j’en suis tout de même satisfait.

Je n’avais pas vraiment de professeur, même si j’ai pu parler avec l’assistant de production, le producteur et le réalisateur de la série afin d’avoir des retours sur mon travail. Gosso (Shota Goshozono) m’a aussi aidé en vérifiant la partie « action » du storyboard, donc je suis vraiment reconnaissant pour son aide !

  • As-tu été obligé de te restreindre artistiquement à cause de tes ambitions ou du planning ?

Il y avait quelques cuts que je n’ai pas pu faire à cause de la nature de la chanson, et la limite de temps de 90 secondes a aussi empêché quelques idées que je voulais ajouter. Beaucoup de scènes avec le public dans l’ending étaient aussi censées bouger, et je les ai animées de cette façon dans le layout aussi, mais comme la phase de genga prendrait trop longtemps, j’ai retiré beaucoup de mouvement de l’original.

Layout de l’ending spécial de KAGUYA-SAMA: LOVE IS WAR -ULTRA ROMANTIC- par Vercreek | Sakugabooru
  • L’ending a récolté des réactions très positives dans son ensemble, mais également son lot de critiques à propos du design ou de l’animation qui peuvent s’apparenter à de la 3D ou de la rotoscopie. Cela te pousse-t-il parfois à te limiter artistiquement ?

Je veux continuer avec ce style davantage. Mon travail est encore très brut, il y a beaucoup d’erreurs que je dois corriger et des choses que je dois travailler. Je pense que me limiter par peur pourrait être quelque chose que je regretterai dans le futur, je veux continuer à faire ce qui me plaît.

  • Maintenant que tu as goûté à la réalisation, comment vois-tu ton futur dans l’industrie ? Préfèrerais-tu plutôt te tourner vers ce domaine ?

Avant, je ne me considérais pas vraiment comme un artiste. Peut-être que je ne croyais pas en moi ou que j’étais satisfait en tant qu’animateur, je ne sais pas la raison exacte, ou peut-être était-ce les deux. Malgré tout, en travaillant sur l’ending, j’ai constamment eu ce sentiment « Ouah, je ne me pensais pas capable de ça ». J’étais capable de regarder beaucoup de choses que je ne regardais pas avant, comme des films, des séries méconnues et beaucoup d’autres médias à côté de l’animation. C’est comme si ma volonté était devenue plus claire, comme si mes ambitions avaient changé.

Je ne pense pas que je sois prêt à prendre le chemin de la réalisation pour le moment, il y a encore beaucoup de choses que je dois apprendre, mais je vais continuer de m’entraîner pendant mon temps libre et mon travail en tant qu’animateur.

  • Tu es encore étudiant, n’est-ce pas ? Est-ce difficile ou stressant de concilier tes études et ton travail ?

C’était un peu difficile de cumuler les deux au début. Je pense que la partie la plus compliquée était d’essayer d’expliquer au producteur que je suis encore à l’école sans perdre le poste (rires). J’écoute les cours en fond tout en travaillant sur mon animation, alors parfois je devais éteindre mon cerveau et laisser ma main dessiner automatiquement.

Heureusement, les dates de remise de nos devoirs étaient en fin de semaine, alors j’essayais d’attendre jusque-là en passant mes vendredis à pleurer en faisant des dissertations sur la façon dont la Covid affecte le système éducatif tout en oubliant des mots de ma propre langue maternelle.

  • Tu avais dit que travailler avec Shingo Yamashita était l’un de tes rêves. Maintenant qu’il s’est réalisé, comment s’est passé ton expérience avec lui sur l’opening 2 d’Ousama Ranking ?

Lorsque j’ai vu l’opening 1 de Jujutsu Kaisen pour la première fois, je le regardais avec un sourire béant. Ce genre d’émerveillement, de sourire incontrôlable en regardant quelque chose d’aussi bon, c’est devenu si rare maintenant que cela te donne envie de pleurer. Je me rappelle de son travail d’il y a longtemps sur l’ending 20 ou l’opening 13 de Naruto, travailler avec lui et le rencontrer en vidéo était comme un rêve qui se réalisait.

Séquence de l’opening 1 de Jujutsu Kaisen | Réalisation/Storyboard/Photographie : Shingo Yamashita | Sakugabooru

À ce moment-là, je me suis mis beaucoup de pression. Je voulais faire un travail parfait, je voulais être un animateur qui mérite de travailler avec ce réalisateur, je voulais travailler avec son storyboard en lui rendant justice. Au final, j’ai fait beaucoup d’erreurs et j’ai fini par beaucoup stresser à propos de mon travail. À la fin de la production, je me suis excusé pour toutes mes erreurs, mais il m’a dit que ce n’était pas un souci, et que c’était naturel de faire des erreurs. Après tout, c’est pour cela que le réalisateur et le superviseur d’animation sont là. Je me suis senti soulagé après avoir entendu ça.

Genga de l’opening 2 d’Ousama Ranking par Vercreek | Sakugabooru
  • Crois-tu au talent inné, ou penses-tu que tout n’est que persévérance ?

Je pense que le talent inné existe. Vous avez probablement vu ces enfants africains qui dessinent de l’art hyperréaliste, ou cet homme qui a dessiné une ville entière et détaillée dans un hélicoptère. Même dans la vraie vie, j’ai rencontré quelques personnes qui pouvaient le faire sans aucun entraînement, c’était vraiment incroyable à voir. Je pense que c’est une partie de nous qu’il ne faut pas nier. Cependant, le talent inné ne peut pas vous mener bien loin.

Notre aptitude pour certaines compétences et le fait que nous aimions faire une certaine action sont deux choses distinctes. Une voiture dont le conducteur est réticent ne dépassera jamais un cycliste ambitieux. Notre travail acharné est notre passion, et cette persévérance nous poussera plus loin que le talent inné ne le pourrait jamais. Vous devriez lire Teppu !

  • As-tu quelque chose à dire pour la fin ?

Merci beaucoup pour l’interview, et je souhaite à tout le monde une bonne journée !

Vercreek

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